L'honneur souverain est à Dieu,
L'honneur Eternel, et supreme ;
L'honneur après doit avoir lieu
Envers les Saints, mais non de mesme.
L'honneur est deu à la Vertu,
L'honneur est deu à la Science,
Et à cil qui est revestu
De Noblesse et prééminence.
L'honneur est deu à tous Seigneurs
Belliqueux, suyvans
nostre Sire :
Qui, par armes et par bons heurs,
Font que l'ennemi se retire.
L'honneur est deu aux alliez
De Roys, et illustres personnes ;
Aux Edits qui sont publiez ;
A toutes ordonnances bonnes.
L'honneur est deu aux Gouverneurs
De nos jeunes florissans Princes ;
A leurs maistres, vrays enseigneurs
De bien gouverner leurs Provinces.
L'honneur est deu à nos parens,
Au pais, et à nostre terre ;
A tous bons amis apparens,
Qui ne cachent un cœur de pierre.
L'honneur est deu pareillement
(Dit Juvenal) à la vieillesse ;
Et fault qu'el' soit reveremment
Honorée de la Jeunesse.
L'honneur n'est point deu vrayement
Au riche indigne (dit le Sage),
Riche, qui n'est riche autrement
Que du vil terrestre avantage.
Il fault qu'il die : "Grand merci
Mes grans biens et grande richesse" ;
Et ne fault pas qu'il die ici :
"Grand merci, Vertu et Sagesse".
Maint riche quiert estre honnoré
En sa grand' pompe et braverie,
En habit, ou palais doré.
En trionfe et en mommerie :
En braves chevaus et harnois,
En spadassins et satellites,
Dont l'honneur ne donne trois noix,
Ny de tous ces fausses merites ;
Ains l'honneur les fuit et fuira
D'une perpetuelle fuite,
Et arriere eus sans cesse ira,
Tousjours-tousjours, bien loing-bien vite,
Car ils le veulent prendre au doz,
A contrepoil, ou bien à force,
Et cuident attraper le loz
Par une surprise, ou entorse.
Mais luy ailé, volant bien loing
Se rit d'eus, et de leur emprise ;
Et en riant il est tesmoing
De leur ignorance, ou sottise.
Ce que tu scez trop mieus que moy,
Toy qui es la mesme sagesse,
Et devroit aprendre de toy
Celuy qui ce propos t'adresse.
Maint riche quiert donc jeuz et ris,
Et toute mondaine bobance.
Ce sont les points de luy cheris,
Qui le mettent en grand' balance.
Mais toy qui la Sainte Vertu
Et toutes sciences caresses,
Jamais-jamais ne seras tu
Surpris de leurs delicatesses.
Aussi Dieu, Vertu et Sçavoir,
Devant ce Croissant te font croistre :
Croissant qui par tout se fait voir
Où la Vertu se peut connoistre.